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Du chaos au cosmos, une pédagogie...

vendredi 18 mars 2016, par Henri Planchon

Avec ACIM, l’objectif est d’apporter à l’enseignant un éclairage particulier et une aide à son action. Il devient alors autant chercheur que dispensateur de connaissances.
Si la pédagogie peut être considérée comme la recherche d’un chemin conduisant à l’acquisition, l’appropriation et l’application d’informations, de connaissances, alors les apprenants sont des chercheurs. Ils s’insèrent dans un groupe de travail où chacun est assujetti à certaines règles : une éthique, une intersubjectivité, des attitudes non provocatrices, dans un langage libre et privé pour préparer les conclusions qui seront présentées dans des formulations publiques. C’est alors que, dans ce milieu, peuvent exploser des désordres causés par des interprétations, des opinions différentes, voire opposées, lors de confrontations pouvant aller jusqu’au Chaos. Le Chaos : cette situation instable, incompréhensible, intenable et sans perspective immédiate.
Mais si on peut considérer le Chaos comme étant à l’origine de notre Univers, ne pourrait-on pas dire alors qu’il l’est aussi pour la construction de notre monde de connaissances ?
Ce monde fait de certitudes largement admises pour un temps et qui pourtant évoluent, se transforment, voire disparaissent pour être remplacées par de nouvelles, comme ces constellations immuables qui sont présentes dans notre galaxie, comme ces myriades d’étoiles dans le Cosmos qui semblent éternellement figées, stables et qui pourtant sont en perpétuel mouvement entre le moment de leur naissance et celui de leur mort.

LE CHAOS
D’une réflexion commencée avec « Le problème du problème », s’ensuit maintenant une autre à propos du Chaos, lequel n’est autre qu’un nouveau problème associé à tous ceux déjà évoqués dans les lignes précédentes.

Observons un fleuve majestueux qui s’écoule à travers les méandres d’un lit sinueux. Ici, au détour d’un méandre, la surface de l’eau est calme, le mouvement est à peine perceptible. Un peu plus loin le flot franchit quelques écueils et plonge dans une cascade en créant des tourbillons rageurs soulevant un nuage d’embruns. Le flot est tout à coup devenu irrégulier et instable ; il est chaotique, il est à la fois ordre et désordre - concepts complexes et ambigus. Le Chaos est pleinement ressenti comme une émotion esthétique. Il est également désordre à organiser et situation à comprendre.
Le trouble est créé par l’instabilité de la situation, par la peur du vide ou du trop-plein d’informations, par la crainte du problème née du manque de repères fixes et de l’appréhension des risques encourus, par la fragilité des hypothèses de sortie et des réponses hasardeuses.
Une représentation de cette situation peut être trouvée dans la chute d’une cascade, où les tourbillons se mêlent et s’emmêlent.
Quelle appréhension suscite en nous le fait d’approcher et de tenter de comprendre cet effrayant et incompréhensible phénomène qu’est le Chaos auquel il nous arrive quelquefois d’être confronté ! Et pourtant une telle situation nous intrigue et nous fascine, elle nous mobilise et nous motive pour tenter de découvrir son secret de conception, de structuration et d’évolution. Nul ne peut éviter cette expérience, que nous traversons tous dans notre vie. Que ce soit sous la forme d’un chaos d’idées, d’informations, de sentiments, de réactions non maîtrisées et imprévisibles qui nous assaillent... Il nous parait souvent difficile, voire impossible, de sortir d’une telle situation, ce qui peut nous conduire à l’ignorer ou à la rejeter. Elle est alors perçue comme un problème sans solution. Et pourtant il y a toujours une sortie à la suite de cette traversée. Certes une solution peut rester incertaine, une réponse demeurer imprévisible, du fait de la multiplicité des données et de leur instabilité, mais il faut savoir que ce désordre, ce système complexe et instable peuvent engendrer aussi bien de la turbulence que de la cohérence, avec des formes organisées, tantôt stables tantôt instables, finies ou infinies.
Ne pourrait-on pas faire en sorte que ce désordre, où toute analyse directe nous semble impossible, puisse ouvrir sur une démarche qui nous permettrait d’entrevoir au moins le début d’une solution, le sentiment de l’existence possible d’un ordre, d’une régularité, d’une éventuelle compréhension stable de l’évolution des phénomènes ? Aussi peut-on espérer que nos pensées, qui produisent le chaos dans nos idées, puissent engendrer, dans le cadre et l’ordre de notre logique, des formes organisées et stables.
Nos idées nous parviennent souvent dans un désordre insoutenable, elles s’enchevêtrent et s’emmêlent, elles donnent naissance à un chaos d’où généralement ne sort aucune formalisation ou présentation structurée d’un raisonnement logique.

LUMIÈRE BLANCHE ET DYNAMIQUE DES GROUPES
On peut considérer que la société ou un groupe sont comme éclairés par une « lumière blanche » où sont présentes une multitude d’ondes différentes, allant de l’ultra-violet à l’infrarouge. On y trouve toutes les couleurs de l’arc-en-ciel comme on y trouve toutes les sensibilités. Dans un groupe, il faudrait, dans l’absolu, qu’il n’y ait qu’une seule longueur d’onde, associée à des « particules-idées » ou à des« particules idées-particules ». C’est d’ailleurs pourquoi on pourrait penser nécessaire que les nouveaux venus soient sur la même longueur d’onde que celle du groupe récepteur, des différences de longueurs d’ondes pouvant être la source d’un chaos interne.
Le chaos, c’est le rendez-vous avec l’absurde par manque d’abstraction. Abstraire, c’est se dérober à l’attachement aux conditions matérielles et personnelles, c’est pouvoir se dégager des situations absurdes, illogiques et subjectives.
Cette expérience conduit à une nouvelle vision du monde, ou d’un groupe. Avec le développement de l’imagination, la lumière pourrait s’introduire et ne plus considérer sa seule action propre, centrée et plus ou moins fermée sur son objectif, sa cible. Alors que si on tente d’introduire de la lumière dans le groupe, de faire passer un courant d’idées, cela revient à produire un effet d’onde, comme lorsqu’une pierre lancée sur une étendue d’eau produit des vagues de plus en plus parallèles au fur et à mesure qu’elles s’éloignent, mais qui sont toujours de même longueur d’onde.
Avec Einstein, qui a amené la notion de « quanta », nous allons également pouvoir introduire dans le fonctionnement d’un groupe l’association onde / particules : l’onde serait le climat, l’environnement, l’ambiance produisant la même sensibilité à l’intérieur du groupe, les mêmes convictions, les mêmes souhaits de réussite pour le groupe dans sa globalité et pour chacun, avec cette volonté d’être participant actif, d’être en phase ; quant aux particules, elles pourraient être ces quanta d’idées qui, tels des photons, viennent percuter des principes souvent considérés comme fondamentaux et indestructibles. Cette association d’onde et de particules, comme pour la lumière, crée ce chaos qui est à l’origine d’éclairages nouveaux, de nouvelles organisations, de réorganisations intérieures et personnelles, mais aussi d’interférences pouvant créer à nouveau des perturbations, des chaos à dépasser afin d’approcher une nouvelle cohésion du groupe où chaque quantum doit se trouver associé à son onde.
Les principes d’incertitude et de hasard sont les concepts qui régissent cet état, la mécanique quantique qui s’affranchit du déterminisme des préconçus.

MÉCANIQUE QUANTIQUE
En physique quantique, l’observateur interagit avec le système, dans une telle mesure qu’il est impossible de considérer que ce dernier dispose d’une existence indépendante. Nous devons accepter que le fait d’observer un phénomène le modifie, que nous faisons partie de l’expérience et que pourtant les résultats des expériences sont nos seules connaissances. Il est intéressant de savoir qu’il existe des limites à notre connaissance mais il est époustouflant de découvrir que nous n’avons aucune idée du comportement d’un phénomène quand nous ne l’observons pas.
Supposez qu’un sculpteur vous dise qu’un visage humain est caché dans un bloc de marbre parallélépipédique… « Absurde ! ». Pourtant, à la suite des actions du marteau et du ciseau, la forme est révélée. Tout ce que nous voyons n’est que le résultat d’expériences que nous interprétons.
Nous pouvons connaitre le passé dans ses détails, ce qui correspond à notre expérience, évoluer d’un passé connu vers un futur inconnu.
Tous ces éléments participent à la constitution des fondements des Activités de Construction d’Images Modélisées (ACIM).

Henri Planchon
Mars 2016