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le travail d’une classe de Maternelle sur les contes

exploitation du conte "Le tigre, le cerf et le renard" présenté dans un précédent article

jeudi 3 mars 2011, par Janine Valentin

Une classe de GS Maternelle du village d’EAUNES (31) travaille sur « les contes » sous la responsabilité de l’enseignante Christine Chibari, adhérente de notre association.

Point de départ : la modélisation du conte « le tigre, le cerf et le renard ».

Quelques mots préalables sur le choix délibéré que nous faisons de proposer à des enfants de Maternelle un voyage dans le monde abstrait des signes et des symboles mathématiques avant de passer au conte dans toute sa concrétude.

La modélisation systémique du conte :

L’utilisation d’éléments abstraits empruntés au monde des mathématiques, inclus dans une structure systémique, permet aux élèves, même non lecteurs, de saisir globalement la situation, de pouvoir la lire de différents points de vue et de différentes manières en leur en assurant la maîtrise.
Elle permet de donner du sens aux relations entre les éléments autant qu’aux éléments eux-mêmes.
L’absence d’éléments figuratifs, loin d’être une gêne, ouvre libre cours à l’imaginaire et à la créativité
Une figure géométrique, dans la modélisation, peut aussi bien représenter un animal, une personne ou un objet, ce qui fait que mille et une histoires peuvent être créées à partir d’une modélisation.
Elle met en exergue les problèmes de temps, d’espace, de reconnaissance de formes géométriques, de position et de relations spatiales, de tracés, de déplacements orientés…qui sont les notions à acquérir avant l’entrée au Cours Préparatoire.

Elle permet donc à l’enseignante, à travers les expérimentations entreprises par les petits groupes d’élèves, d’apporter toutes les précisions et explications en réponse aux problèmes qui se posent en situation mais aussi à l’occasion des leçons classiques qu’elle propose en plus de ce travail.

Pourquoi avoir choisi cette histoire ?

Elle n’est pas très longue, ne présente que 3 personnages très différents et très typés, dont le plus fort n’est pas celui que l’on pense, ni le plus rusé, ni le plus peureux… Les trois animaux se déplacent autour (ou dans) 3 lieux différents, tantôt seuls, tantôt séparément, en même temps ou à des moments différents. Des paroles son échangées entre eux à 3 reprises, de façon brève mais explicite et les enfants peuvent anticiper assez facilement la suite des événements. Enfin on peut facilement procéder à des mises en scène si l’intérêt s’en fait sentir.

Janine Valentin, formatrice ACIM

Compte rendu des premières séances par Christine Chibari :

I) EXPLORATION :

Chaque enfant a une modélisation en A4, et une grande modélisation est affichée au tableau.
C’est le moment où, après un temps individuel d’observation, on privilégie la parole spontanée sur les perceptions et interprétations globales ou parcellaires de ce qui est vu, reconnu…

Manon : un toit, un petit carré, un triangle… Il y en a plein.
Ils comptent : 4 petits carrés, 5 petits triangles, dans le toit, il y a 3 petits ronds… un rectangle debout, le long côté est debout.
Ils repèrent les flèches (pas tous parce qu’elles ne finissent pas par la pointe comme ils ont l’habitude de les voir sur les fiches du commerce). Ils viennent dessiner une flèche au tableau (problèmes de direction chez plusieurs).
A quoi ça sert une flèche ?
Manon : une flèche, c’est pour dire où aller.
Julie : une flèche, c’est pour tuer les indiens.
Interprétation qui déclenche aussitôt discussion collective…
Ici il n’y a pas d’indiens…
« Elle est longue cette consigne » (allusion probable à la longueur des trajets) dit encore Julie…puis : les flèches, c’est pour suivre le chemin du rond, du carré, du triangle.

Remarque des pointillés (ils connaissent le nom)
Des essais commencent à voir le jour (débuts d’expérimentation) : du rond avec des points au carré, il n’y a pas de flèche… je ne peux pas. »

Remarque des accolades. La question est posée : « c’est quoi ce signe ? » Janine donne le nom « c’est quand on est ensemble ».
Alors : « le carré a un copain, le triangle… ».
Plus tard, au moment de la récréation, ils partiront deux par deux en accolade.

En dernier, ils ont vu les grandes formes, pourtant cernées d’un trait plus épais : un rectangle debout, le toit de la maison, le grand carré.

II) EXPERIMENTATION :

Il s’agit maintenant de s’approprier, individuellement et en petit groupe, la modélisation pour mettre de l’ordre dans tous ces chemins.
Un premier temps a consisté à s’entendre pour les couleurs à employer.
Ils ont choisi d’utiliser les 4 couleurs de leurs 4 groupes habituellement constitués :
Bleu : les 3 grandes formes,
Rouge : le chemin du rond à points blancs,
Vert : le chemin du triangle,
Jaune : le chemin du carré.

On a constaté beaucoup de parole échangée dans les groupes et une grande participation malgré la longueur de la séance.

III) EXPLICITATION :

Directement, pendant l’expérimentation, dans les groupes, la maîtresse a répondu aux problèmes qui se posaient en aidant à une formulation d’hypothèse ou en donnant des indices appropriés aux problèmes qui se posaient dans les petits groupes :
  quand le triangle et le carré sont ensemble, de quelle couleur faire le chemin ?
  quand le triangle croise son propre chemin ? (problème de temps à résoudre ainsi qu’un problème d’orientation dans l’espace.
  différenciation entre le symbole "flèche" qui indique un déplacement et « le chemin » qui, lui, n’est pas indiqué.
Toutes ces notions ont été reprises collectivement.
Elles donneront lieu, dans la phase d’exploitation, à des « leçons » qui auront le mérite de répondre aux besoins réels des enfants en réponse aux problèmes qui se sont posés.

Plusieurs modélisations ont été affichées au tableau et chacun a pu les lire. Presque tous suivaient attentivement pour vérifier (moment d’évaluation des enfants entre eux).
Le mot « trapèze isocèle » a été donné, parce que le rond à points blancs ne se promène pas sur le toit d’une maison (différence entre perception et interprétation).

Qu’ont-ils retenu ?

Julia : On a suivi un chemin.
Emma : j’ai dessiné une flèche au tableau.
Marie : il y avait un trapèze isocèle, c’est dur à dire.
Pierrick : j’ai fait le chemin avec la flèche.
Mahéva : j’ai lu l’histoire au tableau.
Enzo : j’ai croisé les chemins du triangle

Plus tard, dans l’après-midi, la maîtresse a lu le conte, sans la modélisation. Ils ont tous fait le rapprochement avec la modélisation…
Alors, qui est représenté par le triangle ?…et le rond ?... Où habite le renard ?...
Presque tous découvrent avec ravissement qu’ils sont capables de reconnaître chaque élément et de suivre les trajets, les rencontres, les temps de paroles…

Un peu plus tard, par groupes, ils ont mis en adéquation le conte entendu et la modélisation.

Les enfants sont partagés en deux groupes :
Je lis le conte, ils suivent sur leur modélisation. Puis ils racontent eux-mêmes l’histoire.

 Groupe 1 :
J’ai constaté une grande facilité pour raconter l’histoire avec la modélisation comme support.
Je suis étonnée par la richesse du langage oral utilisé. On y retrouve des formes du langage écrit, langage du conte utilisant les temps du passé, les connecteurs de temps…

 Groupe 2 :
Seuls deux élèves ne participent pas encore à l’oral. Un seul a encore du mal à lire sans aide la modélisation.
Collectivement, on a énormément échangé sur ce conte : le rôle de chacun, le plus malin, le plus fort, le plus faible…réflexions sur leur caractère… échanges oraux très riches et fructueux où tous avaient quelque chose à dire.

IV) EXPLOITATION

Création de contes en se servant de la modélisation.

Constitution de 3 groupes de 7 enfants qui ont fonctionné toute une semaine (2 sous-groupes).
Chaque groupe a choisi 3 personnages (humains, animaux, êtres imaginaires). Et ont inventé des histoires.

 Groupe jaune : un lutin du père Noël, une licorne, une fille winx qui a des pouvoirs magiques.
 Groupe bleu : une girafe, un serpent, un chameau.
 Groupe rouge : un chat, un gorille, un kangourou.
 Groupe vert : un chat, un chien, un lapin.

En voici quelques échantillons transcrits directement, tels qu’ils ont été racontés par les enfants :

La fille WINX, la licorne et le lutin du père Noël

Une licorne sort de son écurie magique au grand galop. Elle aperçoit un lutin. Elle s’envole pour enlever le lutin.
  Approche, lutin, mon tout petit lutin, je vais te faire un beau câlin, dit la licorne. C’est pour quoi faire ton chapeau pointu ?
  Dans mon chapeau pointu, il y a des pics, des monstres, des porcs épics, des monstres et un dinosaure qui pique.
La fille WINX lui dit :
  Je vais t’aider, c’est gentil un lutin !
En les voyant arriver, le lutin dit à la licorne :
  C’est gentil de m’apporter une fille WINW, je vais la mettre dans mon chapeau !

Marie, Héléna, Emma, Lola

Le chameau, la girafe et le serpent :

En fait, le serpent sort de son nid et, tout d’un coup, il voit une girafe qui mange des feuilles.
Il lui dit :
  Pourquoi as-tu un long cou ?
  Parce que, quand je mange un serpent, il faut avoir un long cou.
Le serpent part. Il a peur. Il rencontre un chameau qui vient d’Afrique et lui dit :
  Une girafe a voulu me manger.
Le chameau lui répond :
  La girafe ne mange pas des serpents. On va aller tous les deux voir la girafe.
Quand ils arrivant près de la girafe, elle dit :
  Merci mon frérot de m’avoir apporté un bon déjeuner, c’est délicieux le chameau !
Le serpent et le chameau rentrent chez eux.

Hajar, Pierrick

Le gorille, le kangourou et le chat

En fait, le gorille se ballade, il voit un kangourou.
  Je vais le manger ! dit-il.
Le kangourou saute clac ! clac ! Il voit un gorille, il a peur.
Le gorille dit au kangourou :
  Pourquoi tu as une poche sur le ventre ?
  Dans ma poche, il y a mon garde manger. Hier, j’avais un rhinocéros, maintenant c’est vide. Je crois que je vais remplir ma poche avec un gorille !
A ces mots, le gorille court, saute, attrape une liane et s’en va.
Il rencontre un chat, il lui dit :
  Un kangourou a voulu me manger !
  Mais non, c’est une farce, les kangourous ne mangent pas de gorilles ! dit le chat. Viens avec moi, on va voir le kangourou.
Ils arrivent près du kangourou.
  Merci mon frère le gorille, tu m’as apporté un bon gros chat, juste à la bonne heure.
Le gorille et le chat s’en vont en courant.

Mahéva, Amelya, Pauline, Julie

Le chat, le chien et le lapin

Le chien sort de sa maison le temps que le lapin mange une carotte.
Ils se rencontrent.
  Pourquoi tu as de grandes oreilles, dit le chien.
  A chaque fois que je mange un chien mes oreilles grandissent ! répond le lapin.
Le chien part en courant, il rencontre un chat, il lui dit :

  J’ai eu peur d’un lapin qui m’a dit : à chaque fois que je mange un chien mes oreilles poussent.
  - Ce lapin s’est moqué de toi, viens avec moi on va aller le voir ce lapin !
Ils rencontrent le lapin.
  Tu m’as amené un bon déjeuner mon frère ! dit le lapin.
Ils rentrent tous les deux chez eux.

Lola, Emilie, Clément, Rayan

V) EXTENSION :

Les enfants modélisent eux-mêmes des contes.

La maîtresse a lu quatre contes qu’ils connaissaient déjà et qu’ils avaient choisis.

 Le petit chaperon rouge
 Boucle d’or et les trois ours
 Blanche neige
 Les trois petits cochons

Après lecture, les enfants, par petits groupes, ont listé les personnages et choisi des formes géométriques pour les représenter.
Ils ont ensuite cherché à construire leur modélisation sans oublier les déplacements.

Remarques :

Des modélisations sont nées avec encore des difficultés pour :

  éviter de rajouter un dessin figuratif
  ne pas matérialiser les chemins mais se servir uniquement des flèches
  éviter d’aligner les lieux, comme dans « Les 3 petits cochons. »

Il est à noter que les enfants sont passionnés et ne se lassent pas.
Actuellement, le travail se poursuit. Nous allons proposer nos histoires et nos modélisations à une classe de Grande section d’Auterive qui travaille aussi sur la modélisation « Le cerf, le tigre et le renard »

Affaire à suivre


Voir en ligne : l’article de référence :