Accueil > Expériences ACIM > bilan de maths interactif

bilan de maths interactif

lundi 19 mai 2008, par Janine Valentin

Généralités

Ce bilan est un réaménagement du bilan proposé par Henri Planchon dans son ouvrage « Réapprendre les mathématiques. »
Dans cette version, la construction graphique n’incombe plus seulement à l’enfant mais il y a l’implication active de l’adulte et de l’enfant qui se rencontrent sur une feuille blanche à travers le langage mathématique, fait de signes et de symboles écrits qui s’articulent entre eux et sont producteurs de sens.
La réalisation finale est généralement plutôt géométrique, avec le souci, pour l’adulte, d’amener l’enfant à explorer les autres champs mathématiques que sont les nombres, les opérations, les énoncés de problèmes et toutes autres applications utiles dans la réalité.

Il s’agit donc d’une communication inégale, l’adulte étant l’expert et l’enfant n’utilisant le langage mathématique que dans un champ conceptuel déterminé par son âge, ses possibilités du moment. Elle est aussi inégale par le fait que les partenaires occupent des places hiérarchiquement différentes dans la rencontre. Les actions s’harmonisent néanmoins, grâce aux règles d’alternance introduites par l’adulte. Un rythme d’échanges se met en place, par l’intermédiaire de la modélisation qui prend vie, mettant en évidence symboliquement les temps de rupture et de lien entre les tracés alternés de l’enfant et de l’adulte.

Les règles d’alternance, posées dès le début de la rencontre, assurent la place de chacun, permettent que s’installe un « espace pédagogène » entre les deux partenaires, moyen d’apprendre l’un de l’autre et l’un par l’autre.

Ce bilan, parce qu’il donne autant d’importance à la relation établie qu’aux champs notionnels visités, permet de situer l ‘aide personnalisée à mettre éventuellement en place :
  réaménagements pédagogiques
  aides spécialisées à dominante pédagogique
  aides spécialisées à dominante rééducative.

« Communiquer, c’est entrer dans l’orchestre » (Bateson)

C’est en cela que consiste l’engagement de l’observateur : improviser sa partition avec le souci de s’adapter à la façon de procéder de son vis-à-vis, tout en l’amenant à balayer le champ le plus large possible dans le langage mathématique.
Partant de là, la rencontre est unique et il n’y a aucune recette applicable à la situation.

« Caminante no hay camino…El camino se hace al handar ».

I) Construction de la modélisation

Une première partie se déroule sans paroles, si ce n’est pour rappeler les règles d’alternance si nécessaire. On s’y observe observant, dans les actions, l’utilisation des instruments essayés, choisis ou rejetés.
On y assiste à la naissance de la modélisation d’une rencontre sur champ mathématique. Les actions s’engendrent mutuellement, se complexifient dans leurs articulations et finissent par constituer un tout qui n’est pas la somme des parties mais qui, cependant, peut être appréhendé dans sa globalité.

Lieu de la rencontre :

Une feuille blanche format A3 fixée sur un cadre de liège autour duquel sont disposées des épingles à tête de couleurs diverses.
A l’extérieur de la plaque de liège et sur la table-support, ronde de préférence, sont disposés des instruments de mesure et de tracé servant généralement à faire des maths : doubles-décimètres, équerre, compas, rapporteurs…. Quelques instruments plus insolites sont également à disposition : ficelles bandes de papier, pochoirs de figures géométriques…
Ces derniers objets sont utilisables avec des enfants jeunes ou de bas niveau de développement.

Quelques exemples d’utilisation :

La ficelle : Elle peut permettre, outre des évaluations approximatives de longueurs ou des tracés de cercles, de simuler, avant de tracer un trait entre 2 points-épingle, d’aider l’enfant à se fabriquer une image mentale du trait que l’adulte n’a pas encore tracé.

Les épingles : elles servent à matérialiser un point d’intersection, à faciliter le tracé d’un segment, à matérialiser l’origine d’un déplacement et à en marquer l’arrivée, à étirer des segments, à vérifier des alignements de points, à repérer les sommets d’une figure...

Les marqueurs : Ils permettent de surligner, de repasser sur un tracé pour montrer que l’on s’intéresse à un segment ou au pourtour d’un polygone, de colorier rapidement l’intérieur d’une figure.

Les règles plates encochées au point 0 permettent de marquer une origine sur un point-épingle pour : mesurer une longueur, tracer les points équidistants d’un point donné….

Il n’y a pas de siège disposé autour de la table.
La position debout, assez inhabituelle dans la situation « classe » autorise la lecture des attitudes posturales et motrices qui anticipent sur la production de la trace. L’enfant, lorsqu’il observe la gestuelle de l’adulte, peut avoir l’intuition du tracé qui se prépare. De même, l’adulte peut voir comment l’enfant coordonne ses gestes pour réaliser ses propres tracés.

Indications à l’enfant :

Nous allons faire ensemble des mathématiques sur cette feuille. On peut utiliser les instruments qui sont sur la table, mais on n’est pas obligé. On tracera chacun son tour.
Je garderai toujours le même stylo. Toi, tu peux choisir le crayon que tu veux et tu peux changer de couleur à n’importe quel moment. Tu peux aussi choisir les instruments dont tu as besoin et tu les reposes à leur place lorsque tu as fini de t’en servir.
On va tracer chacun à notre tour. Je peux me servir de ce que tu auras tracé mais ce n’est pas obligé. Tu peux, toi aussi, te servir de ce que j’ai tracé mais tu n’es pas obligé non plus.
Lorsque c’est toi qui trace, je peux t’interrompre pour prendre ta suite, mais tu peux aussi me laisser la place avant. De même, lorsque c’est moi qui trace, tu peux m’interrompre si tu as une idée, ou je peux décider avant de te laisser la place. Celui qui se retire doit, à chaque fois, reposer les instruments qu’il utilisait sur la table pour que l’autre puisse s’en servir à son tour.
Pendant notre construction, nous n’avons pas à nous parler, sauf lorsque nous jugeons, toi ou moi, que c’est nécessaire.
Quand nous penserons, toi ou moi, que notre travail est terminé, nous dirons : « stop, c’est fini ».
Nous regarderons alors ce que nous avons fait ensemble et nous en parlerons.
Tu peux commencer si tu veux. Si tu préfères, c’est moi qui commence.

Ainsi sont introduits les deux temps importants de l’échange : la co-action qui se passe de mots et le temps de parole.

« Dans les derniers films, le metteur en scène passe au dialogue après de grandes parties de muet, exactement comme un romancier passe au dialogue après de grandes quantités de récit » -A. Malraux : Verve -1940

Attitude de l’observateur en fonction des buts poursuivis :

Il peut induire des amorces de construction que l’enfant a tout loisir de compléter, d’ignorer ou de détourner à d’autres fins.
Il peut également partir d’une trace réalisée par l’enfant et l’infléchir dans un domaine mathématique particulier.
Dans tous les cas, il n’encourage jamais la fuite dans le ludique.
Il théâtralise ses préparatifs pour permettre à l’enfant de construire une image mentale du tracé encore invisible de l’adulte.
Lorsque se met en place, dans cette phase de l’activité, une interaction complémentaire suffisamment solide, avec plusieurs enchaînements, il sera possible, dans la partie « verbalisation », d’analyser les inductions, consciemment provoquées ou spontanées, qui ont déterminé cette partie de la modélisation.

Les tracés alternés permettent à l’adulte de prendre l’initiative ou de la laisser à l’enfant, exactement comme dans un jeu de société, rythmé par les coups des deux adversaires ; sauf qu’il ne s’agit pas d’adversaire et que jeu n’est pas pris au sens de ludique mais comme séquence de comportements régis par des règles.
Dans tous les cas, l’adulte fait en sorte qu’il y ait toujours un lien entre les notions mathématiques qui se succèdent au rythme des tracés alternés, permettant l’articulation des notions dans la zone des structures mathématiques activables par l’enfant.

L’adulte peut donner des indices poussant à l’expérimentation ou continuer sur une piste ouverte par l’enfant mais non encore aboutie.
Le jeu, complexe, se situe autour des initiatives que l’on prend ou que l’on laisse prendre. Il permet d’explorer de nouvelles pistes mathématiques, en se centrant sur un point ou un autre de l’espace-feuille.
Les tracés des deux partenaires peuvent s’enchaîner en toute cohérence : en complémentarité, en parallèle, en symétrie… matérialisant le fait que l’on ne peut pas ne pas communiquer.

La question est de savoir si de l’information circule entre le sujet et l’observateur et comment l’un et l’autre peuvent accepter d’en être transformés.

Lorsque sont réglés les problèmes de l’angoisse provoquée par la situation proposée, le support mathématique co- créé devient espace d’échange dans lequel peut circuler l’information réciproque.

A propos de la communication non verbale :

Pendant les « prestations » de l’adulte, les informations offertes au choix de l’enfant sont de plusieurs ordres : attitude corporelle de l’adulte qui se donne en spectacle, instruments qu’il utilise, avec sa façon de les employer et la contribution qu’il choisit de laisser sur la feuille.
Le « C’est à ton tour », accompagné de la pose des instruments et d’un retrait du corps hors de la scène du jeu, sont autant d’inductions à forte consonance relationnelle que l’on s’efforce de rendre les moins manipulatoires possible.

Comme l’écrit P. Watzlawick : « Les êtres humains usent de deux modes de communication : digital et analogique. Le langage digital possède une syntaxe logique très complexe et très commode mais manque d’une sémantique appropriée à la relation. Par contre, le langage analogique possède bien la sémantique, mais non la syntaxe appropriée à une définition non équivoque de la relation.

Nous avons bien affaire, dans cette première partie du bilan, à ces deux aspects qui se complètent dans la communication. La différence réside dans le fait que, dans cette première partie, le contenu d’échange étant mathématique, donc écrit, il peut se passer de mots.
Nous avons remarqué que, dans la plupart des cas, exception faite de certaines pathologies lourdes, la composante relationnelle de la communication établie prend de moins en moins de place au bénéfice des contenus mathématiques échangés.

L’évolution de la qualité des échanges dépend beaucoup de la possibilité du sujet à accepter les règles d’alternance.
Elles imposent à chaque partenaire de n’occuper que sa place, mais, en même temps, elles leur assurent cette place.

C’est l’occasion de travailler un certain rapport à la règle

II) Communication sur la communication

Cette étape est essentiellement orale. Elle se déroule en deux parties distinctes :
  un temps d’évocation et d’échange des moments importants vécus par les partenaires, que l’on appellera : communication sur les interactions,
  un temps d’exploration de la modélisation co-construite autour des notions mathématiques que l’on peut y lire.

1) Communication sur les interactions :

C’est une communication sur la dynamique des échanges. Il s’agit, pour l’adulte, d’accepter l’idée de pouvoir s’observer observant, de pouvoir revenir sur des interprétations parfois erronées que l’on a pû faire des messages perçus.
L’adulte mène la discussion. Il questionne mais donne aussi ses impressions.
La modélisation garde les traces de la communication et permet aux deux partenaires d’en repérer les temps forts : là, c’est quand… », « là, j’ai pensé que… », « alors, j’ai écrit… », « quel moment as-tu préféré ? »

Il est important que l’observateur s’observe, comme le suggère E. Morin, en portant son attention sur la communication qui le relie à l’Autre en même temps qu’elle les distingue et qu’elle les transforme en les informant mutuellement.

On retrouve la même idée chez M. Merleau-Ponty : « Chaque fois que j’arrive à des remarques intéressantes, c’est que je ne me suis pas contenté de coïncider avec mon sentiment, c’est que j’ai réussi à l’étudier comme un comportement, comme une relation avec autrui et avec le monde, c’est que je suis arrivé à le penser comme je pense le comportement d’une autre personne dont je me trouve être le témoin. » (Sens et Non-sens)

La technique employée dans cette deuxième partie du bilan est une aide à la verbalisation. Elle ne peut se mettre véritablement en place que si l’adulte a réussi, pendant la première partie du travail, à créer pour et avec l’enfant un espace dans lequel les informations communes intégrables par les deux partenaires pourront être échangées.

L’échange a lieu au niveau de l’évocation, c’est à dire que l’on parle d’un présent qui est déjà passé. La trace n’est que le support des actions achevées. Elle ne sert qu’à situer l’espace-temps dans lequel se situe l’information échangée.

2) Communication sur les contenus mathématiques qui constituent la modélisation :

C’est la partie centrée sur les savoirs et savoir-faire mathématiques. On va le plus loin possible dans les champs notionnels esquissés, passant de la géométrie au système métrique, de la numération aux opérations et aux énoncés de problème en veillant à la cohérence des divers passages d’un domaine vers un autre (cf. Réapprendre les maths » de H. PLANCHON).